HOMMAGE AUX VICTIMES TOMBEES RUE DISLY A ALGER LE 26 MARS 1962

PARIS 26 MARS 2024

PARIS, DEVANT LE MEMORIAL NATIONAL DE LA GUERRE D’ALGERIE LE 26 MARS 2024
CEREMONIE D’HOMMAGE AUX VICTIMES TOMBEES RUE D’ISLY A ALGER LE 26 MARS 1962
Notre cérémonie traditionnelle a rassemblé nos fidèles amis et sympathisants encore nombreux devant ce Mémorial rénové, à quelques pas de la Tour Eiffel où défilent en permanence le nom des victimes de cette guerre, militaire et civile. Le temps, couvert se faisait menaçant mais la pluie a attendu le signal de la dispersion pour arriver en gouttes fines.
Les deux Gardes nationaux, porteurs de la gerbe présidentielle et deux jeunes membres de l’ONAC-VG en cours de formation sous la responsabilité de M Romain, Directeur des Hauts Lieux de la Mémoire d’Ile de France sont en place, auprès des gerbes en attente. Les Porte-drapeaux et les Anciens combattants ont été installés par notre ami, Président des Parachutistes de l’Essonne M Boiry.

A 14h25, les Autorités chargées des Rapatriés sont accueillies par Mme Ferrandis : M Laurent, Directeur de cabinet, représentant Mme la Secrétaire d’Etat aux Anciens combattants et à la Mémoire et Mme Verdier-Jouclas, Directrice générale de l’Office National des Anciens Combattants et Victimes de Guerre.
M J.P. Gouget, ( ANFANOMA) notre Maître de cérémonie en présente le déroulement et invite la Présidente Mme Ferrandis à intervenir.

Intervention de Nicole Ferrandis

Monsieur le Directeur de Cabinet, représentant Madame la Secrétaire d’Etat auprès du Ministre des Armées, chargée des Anciens Combattants et de la Mémoire, Madame la Directrice Générale de l’Office National des Anciens Combattants et Victimes de Guerre, Monsieur le Directeur des Hauts Lieux de la Mémoire, Monsieur le Général Président de l’Union Nationale des Combattants, Monsieur le Général, représentant aussi  le Secours de France, Messieurs les Officiers, Monsieur le Président des Parachutistes, Monsieur le Représentant du Souvenir Français, Mesdames, Messieurs les Présidents ou les Représentants d’Associations partenaires et amies, Anciens combattants, Harkis, Pieds-noirs et Métropolitains sympathisants, Messieurs les Porte-drapeaux, Mesdames, Messieurs, Merci pour votre présence fidèle.

                       

62 ans ont passé depuis que les nôtres sont tombés, assassinés à Alger, rue d’Isly. Ils ne sont pas morts les armes à la main, ils n’en avaient pas ; ils ne se sont pas battus, ils ont été abattus.

Chaque année, ici même, depuis 2010 où leurs noms ont été accueillis sur ce Mémorial, nous revenons sur les circonstances de ce massacre. Nous le faisons par devoir de vérité à l’égard de nos Victimes trop longtemps traitées en coupables, jusqu’à être accusées d’avoir été responsables de leur propre malheur.

Ce n’est qu’une simple manifestation pacifique pour  exprimer la volonté  de ces français de  continuer à  vivre sur une terre française, cette  terre où ils sont nés, qu’ils aiment  et qui leur appartient aussi, pour le moins. Quoi de plus naturel ? Les cortèges se forment derrière des drapeaux bleu, blanc, rouge. Ce drapeau tricolore est celui de la France, celui qu’avaient adopté leurs aïeux venus nombreux d’Italie, d’Espagne de Malte, de Suisse  ou d’ailleurs qui, oubliant leurs propres racines, avaient décidé d’en planter de nouvelles sur ce territoire où ils allaient devoir tout créer.  Ils avancent sous le ciel bleu, passent devant quelques barrages tenus par des militaires qui les laissent poursuivre.  Ils marchent confiants, l’amitié, la solidarité sont au rendez-vous.

Il est 14h30, les cortèges convergent au centre d’Alger, des chants patriotiques sont entonnés, la Marseillaise, les Africains. Soudain, les barrages se ferment, tenus par des soldats équipés pour la guerre, munis d’armes automatiques lourdes, des armes qui se tournent contre eux.

Il est 15 heures à l’horloge de la grande poste d’Alger, devant elle gisent des corps sans vie, à quelques pas, rue d’Isly, même horreur. 8 corps de femmes sont étendus, Jacqueline  la plus jeune a 19 ans, Michèle en a 20, Pauline la plus âgée 66 ans. Il y a aussi Marie-Jeanne, 51 ans, Renée 22 ans, Jacqueline 23 ans, Jeannine 41.
Il est un peu plus de 15h lorsque les armes se taisent enfin. Auparavant, elles auront encore tiré sur les ambulances, sur les pompiers venus porter secours. Le bilan officiel sera de 49 morts, tous civils ; 49 vies arrachées, mais combien de vies détruites ? Plus de 200 blessés dont certains resteront définitivement handicapés.  62 ans après, nous ne connaissons  toujours pas le nombre exact de victimes.

Dans les jours qui suivront, les familles devront attendre le bon vouloir des autorités pour enterrer leurs défunts. Elles n’auront pas le droit de leur dire Adieu, de les embrasser une dernière fois, de  choisir le jour des obsèques.  Les cérémonies religieuses interdites, les corps seront  amenés  dans les cimetières par camions militaires, au jour et à l’heure imposés.

L’impensable, l’irréparable s’est produit ce 26 mars 1962 dans cette ville qui était encore la 2ème de France ! Un monde vient de s’écrouler : la confiance en la Mère-Patrie vole en éclats.

Au cours des mois qui suivent les enlèvements se multiplient. Des parents sont enlevés avec leurs enfants, des familles entières disparaissent à jamais car jamais cherchées. Parfois des corps sont retrouvés, dans quel état… Trop souvent ils ne le sont pas. Quel a été leur sort et que sont-ils devenus ?

Au terme de 8 années de guerre, d’exactions et d’attentats, les Français abandonnés sans protection n’ignorent rien des horreurs qui les menacent. Ils savent qu’ils doivent fuir l’Algérie, se réfugier en Métropole ou ailleurs, où personne ne les attend, où rien n’est prévu.  Pour devenir un « Rapatrié », le Pied-noir devra trouver une valise ou faire un ballot, obtenir son autorisation de sortie du territoire et payer son billet…

Les bateaux sont rares et surchargés, nos compatriotes oranais en subiront les conséquences, victimes des centaines et centaines de massacres et d’enlèvements, au cours d’horribles chasses à l’homme et au faciès le 5 Juillet et les jours qui suivront. Certains seront pendus à des crocs de boucher ou  brulés dans des fours de boulanger… les corps s’entasseront au Petit-Lac…

Les Harkis, désarmés, abandonnés qui n’auront pu fuir seront massacrés, souvent avec leurs proches, dans des conditions horribles  tout au long des mois qui suivront l’indépendance !

En ce jour de recueillement, en ce Haut-lieu de la Mémoire, nous pensons à tous les civils, militaires et Harkis, assassinés  ou Disparus et nous les associons à cette cérémonie d’hommage à nos Victimes qui, le 26 Mars 1962, sont tombées dans ce « massacre impardonnable pour la République ».

Beaucoup y ont des parents, des amis, c’est un véritable élan de solidarité qui pousse les algérois dans les rues d’Alger, mais c’est aussi un cri de désespoir qu’ils lancent.  C’est pour exprimer tout cela que femmes, hommes, enfants manifestent ce lundi  26 mars 1962.   

Le rendez-vous est fixé à 15 heures dans le centre d’Alger. 

Les barrages les laissent passer, les canalisent vers le point de jonction naturel des cortèges, la Grande Poste et la rue d’Isly, où  ils se heurtent à un barrage tenu par des tirailleurs qui tentent d’interdire aux manifestants de continuer. 

Les Algérois parlementent, demandent l’ouverture, espèrent l’obtenir, tout est calme…. 

Et soudain brutalement un soldat ouvre le feu, sur les manifestants, suivi par d’autres. Dès la première rafale, les Algérois courent. Certains se jettent au sol, d’autres se recroquevillent derrière les colonnes de la grande poste, contre les façades des magasins ; d’autres se réfugient dans l’entrée d’un immeuble, s’y entassent, cherchent désespérément à se protéger…   En vain !  

…..    Personne ne sera épargné, deux femmes sont serrées l’une contre l’autre, une maman et sa jeune fille ; Jacqueline a 20 ans, elle sera tuée, tandis que sa mère sera très grièvement blessée.  

A quelques mètres, deux jeunes filles de 22 et 17 ans, blotties l’une contre l’autre,  l’ainée Renée sera tuée, sa jeune sœur grièvement blessée. 

 Plus loin Jeannine 41 ans git sur la chaussée, le soir 4 petites filles apprendront qu’elles ne reverront plus leur maman. 

Claude et Georges se jettent ensemble sur la chaussée. Georges sera abattu. 

Claude dira plus tard « Ainsi, mon père, qui souvent nous disait qu’à ses obsèques il aurait droit aux HONNEURS MILITAIRES, non seulement venait de mourir sous les balles françaises, mais encore cette même armée dans laquelle il avait tant investi de sa vie le privait de dignité dans ses obsèques. » Il était :             

 Officier supérieur de réserve de l’armée blindée-cavalerie,

Officier de la Légion d’Honneur,  

Officier du Mérite militaire,      

Croix de guerre 1939-1945,     

Croix de guerre des territoires d’Opérations extérieures.

Lors de cette tuerie beaucoup d’anciens combattants tomberont comme Georges : citons René, Philippe, Jean-Paul, Henri, André, Lucien, Elie, Domingo et encore Charles, ancien Para, grièvement blessé en 1959.  

  Ils auraient pu mourir hier face à l’ennemi, mais….  C’est rue d’Isly que le malheur les a frappés.

Il y a aussi Jean le médecin, Emile le pâtissier, Gilbert le professeur, Pauline la directrice d’école, Samuel le comptable, Tayeb le docker, Albert le retraité, Marcel le concierge…

49 vies seront fauchées, 49 civils seront officiellement identifiés, d’autre perdront la vie mais demeureront inconnus, plusieurs centaines seront blessés… Mais combien de vies détruites par ce drame ?

Dans les jours qui suivirent ce massacre, les familles ne purent veiller leur défunt, ni choisir le jour des obsèques. Impossible   de leur dire « A Dieu », de les embrasser une dernière fois. Ce qui se fait partout dans le monde depuis des millénaires est soudain interdit à Alger. 

 …..  Dans Alger, cette tuerie sonnera le signal de l’exode. Il faut fuir cette terre.  Comment rester alors que, depuis 8 ans, la population subit des attentats n’épargnant pas même les enfants ?                                                                                                           

Nous nous souvenons tous, pour l’algérois, de l’attentat du Milk bar, de ceux qui atteindront les brasseries et cafeteria de   l’Otomatic, du Coq hardi, dans les cinémas, des bombes dans les trolleybus, de celles du casino de la corniche, du stade d’El Biar, du stade municipal d’Alger, celles  dans la cathédrale, et dans l’église St Vincent de Paul.

 Demain qui nous protègera ?

Désormais les enlèvements se multiplient, enfants, jeunes filles, mères de familles, hommes jeunes ou vieux disparaissent. Les autorités refuseront d’intervenir pour tenter de les récupérer.
Il faut se résoudre à fuir, quitter cette terre sur laquelle les ancêtres ont fait souche.  En quelques semaines, plus une seule valise à la vente, les ballots sont bouclés à la hâte et les files d’attente s’allongent sur les quais ou près des aérogares, dans l’attente d’un bateau ou d’un avion pour abandonner le sol natal.  

… Les victimes de la rue d’Isly ont précédé dans la mort les harkis désarmés, livrés à l’ennemi, torturés et massacrés…               

Puis viendra le tour des Oranais, lors de la chasse à l’homme, le 5 juillet 1962.

En ce jour de recueillement, en ce haut lieu de la MEMOIRE, nous pensons à toutes les victimes civiles, militaires ou Harkies assassinées ou enlevées et disparues.

 ET NOUS LES ASSOCIONS A CETTE CEREMONIE D’HOMMAGE.

Y. Sainsot est appelé à donner lecture du poème « 26 Mars 1962 » de Pierre Nicole
Les Familles de Victimes et les participants sont invités à déposer les fleurs . Suit le dépôt des gerbes : Anfanoma nationale par M Georges, Président Anfa-Normandie et M Vauclair, L’ A.R.S par M Baclet Secrétaire général, Cimetières d’Oranie par M Jouve Vice-président, MAFA par M Vallat Président et Mme Chavrondier, Groupe Recherche Français Disparus en Algérie par M Monneret et Mme Cugnier, Union Nationale Harkis par M Guerfi Président, Amicale des Forces de Police Auxiliaire par M Goudjil Président, Union Nationale des Combattants par le Général H.Longuet Président et le Général P. Vinchon pour le Souvenir Français, Association Familles Victimes du 26 Mars 1962 par Mme Ferrandis Présidente accompagnée de Mme Verdier-Leroux Directrice générale de l’ONAC-VG. Enfin, M Laurent, Directeur de Cabinet procède au dépôt de la gerbe présidentielle que lui présentent les deux Gardes

Il est 14h50 : M Sainsot égrène alors la liste des Victimes ; Suivie, au commandement « Aux Morts », des sonneries réglementaires par tambour et trompette, de la minute de silence. Eclate la Marseillaise. Les Africains sont repris en chœur par les participants.
Les Autorités sont invitées à remercier les Porte-drapeaux, saluent les Anciens combattants et s’entretiennent longuement
avec les Familles de Victimes présentes

Comment ne pas exprimer, sans les citer en détail par crainte d’en oublier, tous ces Fidèles, Métropolitains, Harkis, Pieds-noirs, qui nous accompagnent depuis des années et nous encouragent à maintenir ce culte du souvenir auquel nos Victimes ont naturellement droit.

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