Blocus de Bab El Oued
LE 23 MARS, le blocus de Bab el Oued
Le 23, un groupe de militaires à bord d’un camion y pénètre. Une équipe O.A.S. tente de récupérer leurs armes, les soldats résistent, l’affrontement tourne mal et c’est le drame. Cinq soldats sont hélas tués. Différentes versions seront avancées, coup de feu accidentel ou volontaire ? Qui le saura un jour ? Mais quelle que soit la cause cela ne justifie pas qu’un quartier entier soit pris en otage, sanction collective d’un autre temps.
La réaction est d’une brutalité inouïe : Bab-el-Oued est cerné, bouclé par les militaires appuyés par des chars. Les forces de l’ordre entament une fouille impitoyable, tirent sur les façades, les balcons, tout ce qui bouge, semble ou pourrait bouger…
Les devantures des commerces sont éventrées, les voitures écrasées par les blindés, les terrasses mitraillées par l’aviation. Beaucoup d’immeubles sont privés d’eau car les canalisations sont crevées par le feu nourri. Plus de soins aux malades, plus de vivres non plus, le couvre-feu permanent imposé 24h/24h interdisant tout approvisionnement. Le dimanche 25 une collecte de vivres est organisée spontanément dans la ville afin d’approvisionner Bab El Oued. Le soir même un communiqué de la Préfecture interdit ces collectes et accorde aux seules femmes deux heures chaque matin, entre 6 et 8 heures, pour faire leurs courses auprès de commerçants qui ne peuvent toujours pas se ravitailler…
Pendant ce temps, les gendarmes collectent des armes bien sûr (qui n’en a pas en ces temps de trouble ?) mais s’exaspèrent de ne pas trouver leur proie. Les membres de l’O.A.S. ont déjà été exfiltrés. Brutalités, violences, menaces, insultes pleuvent. L’acharnement et les représailles aveugles font que les balles traversent des appartements et que des enfants sont tués. Ghislaine Grès 10 ans, Christian Sainte-Marie 14 ans, Serge Garcia 15 ans sont quelques-uns des témoins posthumes de cette ignominie.
Bab el Oued est isolé, Bab el oued souffre ! Un énorme élan de solidarité s’organise.
L, ’O.A.S. « appelle à manifester sans arme », des syndicats aussi tiennent à témoigner de leur solidarité avec ce quartier populaire. Le bouche à oreille fait le reste. Une grève générale étant annoncée, certains employeurs accordent l’après-midi à leurs salariés afin qu’ils puissent se rendre à cette marche de soutien.
Le rendez-vous est fixé au plateau des Glières, lundi 26 mars à 15h.
La manifestation est interdite. Un communiqué de la préfecture de police est diffusé en fin de matinée sur les ondes radio interdisant ce rassemblement : « Il est formellement rappelé à la population que les manifestations sur la voie publique sont interdites. Les forces de maintien de l’ordre les disperseront le cas échéant avec toute la fermeté nécessaire »
Bien sûr, ce communiqué peu de gens l’entendent. Il faut être à l’écoute de sa radio pour en prendre connaissance. De toutes façons, les manifestations interdites, les algérois en ont l’habitude. Que risquent-ils ? Se faire poursuivre ? Recevoir un coup de crosse ou de matraque ? Être arrosé par les lances à incendie ou au bleu de méthylène ? Au pire, suffoquer sous le gaz des grenades lacrymogènes ? Ils ont déjà subi tout cela, c’est devenu pour eux presque une routine….
Mais pourquoi le Préfet Vitalis Cros n’a-t-il pas étendu le couvre-feu à la ville entière ? Et, si les mots ont un sens, pourquoi a-t-il seulement borné sa menace au risque de dispersion ?
Qui pouvait imaginer que les forces de l’ordre iraient jusqu’à tirer sur de simples manifestants ?